Promenade matinale

Irina avait été levée avant le soleil. Elle s'était habillée, et déambulait, cheveux au vent à travers le Champ d'Aphrodite. Elle devait retrouver les écuries, Kuolema devait certainement l'attendre avec impatience pour leur promenade matinale, mais étant donné que le jour était encore jeune, elle prenait son temps.

Elle devait concéder cela à Saint-Petersbourg, le palais avait les jardins les plus beaux de cette partie du globe.

L'homme qui s'avança vers elle la salua. Pas de moquerie, pas de regard méchant. Juste deux personnes se rencontrant dans un jardin. Etrange...

- Bonjour... Belle matinée, n'est-ce pas. lâcha-t-elle maladroitement, la voix peu enthousiaste.

Bravo Ira! Son frère avait raison, elle manquait cruellement de facultés de communication. Elle se rapellait vaguement le visage de l'homme. Il avait été là au mariage. Impossible qu'il l'a reconnaisse. La jeune femme en robe chocolat de ce soir là n'avait rien à voir avec qu'elle était ce matin, en pantalon vert sombre, bottes et pourpoint bruns sur une chemise blanche.

- Veuillez me pardonner, je ne m'attendais pas vraiment à rencontrer quelqu'un. C'est souvent le cas?... Je veux dire, rencontrer quelqu'un ici de si bonne heure?

Il lui serait utile de savoir si elle avait besoin de se préparer à une autre rencontre de ce type...

- Vous avez de la chance d'avoir des gens pour vous changer les idées quand vous broyez du noir... Cela doit être un soulagement. Personellement, je dois avouer que j'ai rarement la chance de tomber sur les bonnes personnes... Enfin, d'habitude...

Elle n'allait pas dire que c'étaient les gens qui la faisaient broyer du noir... Mais presque. Les courtisans et leurs manières, les filles de bonne famille et leurs cervelles vides, au moins, avec les soldats, elle n'avait pas besoin de long discours vu qu'ils ne l'accablaient que rarement de questions.

- Je suis Irina Leonovna. Et vous?

Il devait la trouver horriblement grossière. Mais cela lui avait toujours été égal. Si cela lui déplaisait, il passerait son chemin.

Irinia sourit. Elle commençait la journée en beauté. Enfin quelqu'un qui n'était pas coincé par les convenances. Elle se dit qu'elle allait aprécier Vlad. Après les paons enfariné qu'elle avait croisé la veille au soir, cet type était une bouffée d'oxygène.

- Au final, on cherche tous une façon d'échaper à soi-même... Et j'ai peur que ce ne soit pas aisé dans un endroit comme celui-là. Ceci dit, j'approuve votre emploie des personnes détestables... Trop peu de gens osent leur dire en face leurs quatres vérités, et je trouve que c'est bien domage.

- Personnellement, je refuse cette forme d'hypocrisie. Je dis ce que je pense, toujours, quand je le pense. Sinon, pour échapper à soi même, il nous reste toujours le mensonge, on peut toujours se persuader soit même, à partir du moment où le mensonge est convaincant, des fois, on pense même qu'on dit la vérité alors que nos mensonges sont honteux.

Nous mentons tous, sur tout, ou presque. L'être humain a une bonne faculté d'adaptation.

Hj: ca me fait penser à une chanson de bénabar qui parle de l'homme honnête, comme phénomène.

Elle n'en revenait pas. Un homme, soldat de surcroit, capable de philosopher alors que tous les autres sont encore entrain de cuver leur vodka... Là, elle lui tirrait sa révérence.

- Parfaitement. Mais je ne suis pas certaine que l'homme soit le seul coupable. A vivre dans une société qui provilégie les apparences et le paraître, on se retrouve tous à mentir et à subir ces mensonges. Tous les hommes ne réagissent pas ainsi... Mais vous devez avouer qu'il est peu d'endroits où l'hypocrisies est autant récompensée que dans la notre...

L'air frais du matin la gardait alerte. Ils se mirent à marcher.

- De plus beau? Peut-être pas... D'accord, le danger pimente l'existence, mais il y a tellement plus beau! Un regard auquel on ne s'attendait pas et qu'on ne reverra peut-être jamais... Les rires d'un enfant qui joue... les acrobaties d'un soldat ou d'un acrobate... la course effrenée d'un cheval au coeur de l'orage...

Elle devenait beaucoup trop mélodramatique. Tant pis, cela ne lui arrivait tout de même pas assez souvent.

- Vous vous entraînez souvent, Vlad?

Une fois de plus, elle était passée du coq à l'âne, mais c'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait pas se priver d'entrainement sous prétexte qu'elle était à la cour. SOn frère allait la vaincre quand elle rentrerait et elle ne s'en remettrait pas.

Un homme lucide, philosophe et amoureux. Si on lui avait dit que cela existait, elle aurait dit non. Bien sûr, son frère remplissait deux des trois catégories, mais l'éternelle complicité qui reignait entre eux deux commençait à être un frein aux conquêtes. A force d'attendre de toutes femmes qu'elle puissent le suivre dans leurs chasses, il allait toutes les faire fuir. Et comme elle refusait de montrer le bon exemple en suggérant des occupations moins... masculines lorsqu'elles étaient là, elle avait pris le parti de prendre de la distance.

- Savez-vous si ma présence dans votre caserne serait tolérée? Pas à titre permanent, juste de temps à autre histoire de ne pas perdre la main.

Cette question avait l'art de mettre mal à l'aise chaque homme à qui elle la posait.

Enfin, cela ne fonctionnerait que si elle trouvait un homme assez fou pour vouloir s'entraîner avec elle, mais dans le cas contraire, elle pourait toujours se focaliser sur son tir à distance ou sur son lancer de hache.

C'était en général le moment où les hommes fuyaient. LE moment où ils prenaient leurs jambes à leur cou et mettaient dix lieu de distance entre elle et eux.

- Ce qu'il sera possible. Tir à l'arc, arbalète, lanché de hachette, combat à l'épée, à la hâche, à mains nues... même si dans cette catégories, je ne suis pas la meilleure. Mais si cela pose un problème, je resterait dans les bois... J'ai l'habitude.

Irina avait gardé un air à la fois sérieux et détendu. De toute façon, on ne la prenait que très rarement au sérieux.

Irina s'arrêta, tourna son visage vers Vlad et lui arqua un sourcil.

- Vous êtes sérieux? Vous avez vraiment envie de me voir à l'oeuvre?

Elle commençait à se dire que Vlad était le plus habile des menteurs. Il réagissait comme tout était normal alors qu'elle était pointée du doigt partout où elle allait. Une femme dénaturée... Ni femme, ni homme, comme si elle n'était pas digne d'appartenir à l'un des deux groupes.

Elle lui offrit de nouveau son demi-sourire. Décidément. Il fallait qu'elle arrête. Elle allait perdre toute crédibilité.

- Dans ce cas, ce sera avec plaisir!

Elle n'allait pas se faire beaucoup d'amis avec cette conduite, mais après tout, elle était là pour laisser son frère respirer, pas pour lier connaissance.
Irina était en revanche ravie d'avoir rencontré Vlad. Enfin une personne vraie qui la faisait rire et qui ne la regardait pas comme un monstre.

- Et vous, aurais-je l'honneur de me mesurer à vous? En tout bien tout honneur, juste histoire de voir... J'aime les défis... En privé si vous préférez.

Irnia réalisa que ses paroles pouvaient avoir un double sens, mais elle savait que les généraux n'aimaient pas perdre la face devant leurs hommes. Et vu qu'elle n'était pas du tout certaine de le vaincre...

- Très bien. Comme je vous dit, j'apprécie les défis... Tenez-moi au courrant dès que vous aurez la réponse de votre supérieur.

Elle se remit à marcher.

- Je me dirrigeai vers les écuries. Cela vous dit de m'y accompagner?

Elle n'avait pas peur de se faire surprendre par un palfrenier à une heure indécente, mais elle apréciait la compagnie du soldat qui lui rapellait étrangement son frère.

- Vous savez que vous êtes loin d'être un homme commun Vlad? Je comprend pourquoi vous êtes arrivé là où vous en êtes... De quelle partie de Russie venez-vous?

D'autres lui auraient demandé les titres de sa famille, mais elle préférait connaître le pays dans lequel il avait grandit. Les hommes ne s'illustraient pas par le nom de leur famille. En revanche, leur terre natale était plus révélatrice...