Retour de campagne

Ermolai entra dans la Cour d'Honneur avec une assurance qu'il était loin de ressentir. Cela faisait quelques mois qu'il était parti et les lieux ne lui étaient plus familiers. Il avait du mal à se réhabituer au marbre, au luxe du palais après la boue et le ciel gris d'Ukraine. Pourtant, rien n'avait changé, c'était comme si le château avait été figé dans le temps. Et c'était le cas d'ailleurs: pendant la guerre, le château avait été entièrement évacué, au cas où, et la Cour s'était dispersée. En France, en Espagne, en Chine pour certains. Mais c'était fini, même si cela avait été dur, l'empire avait vaincu. Il soupira, à la fois de soulagement et de desespoir: c'était fini, mais rien ne serait plus jamais comme avant...

Ermolai soupira: il s'attendait bien à ce que Vlad ne lache pas l'affaire aussi facilement. Il n'avait aucune envie que Vlad démissionne, mais il savait qu'il lui devait bien cette faveur. C'était un ami, un très bon ami, et il avait fait plus que sa part. Il se tourna donc vers Vlad, et dit:

-Bon, parlons-en alors.

*Schmuel se demandait ce que diable il était revenu faire ici. Il avaiteu l'occasion de partir et il l'avait fait, il était parti en France et ce pays lui avait semblé être moins dangereux pour son secret mais voilà, il avait eu envie de revenir, malgré tous les risques que ça représentait. Il se demanda s'il regretterait ce choix plus tard et si cette journée serait le tournant décisif de sa vie. C'était fort probable.*

*Bijou était contente d'être rentrée au bercail. Très franchement, elle s'était sentie dépérir en Angleterre, si loin de cette vie qu'ils avaient ici. Non pas que le métier soit différent, mais cette cour lui avait manqué...*

*Artur regardait autour de lui comme s'il avait cru ne plus jamais revenir. La mort, il l'avait vue de près sur les champs de bataille et le palais avait beau avoir été complètement épargné, les visions d'horreur se succédaient encore devant les yeux du nouveau Tsar. A cela aussi il allait devoir s'habituer. Il regarda le marbre qui lui sembla recouvert des cendres des batailles et des litres de sang versés. Il ferma les yeux, sans succès. Il revoyait le début de cette guerre immonde, le meurtre de la Tsarin par l'ambassadeur, ce fourbe! Il réentendait les dernières paroles de son père sur le champ de bataille: "Artur, elle est ici, elle vient me chercher, ne sois pas triste mon fils, prends soin de ton frère...". Nul doute que le "elle" en question était sa mère. Artur se posait néammoins une question, où était son petit frère à ce moment précis? Il savait que son père l'avait envoyé en France en décidant lui-même de participer au combat malgré son âge... Il lui fallait retrouver Grigoriy à tous prix. Et Irina? Où donc était-elle? Il n'avait eu le temps que de lui dire adieu... S'il lui était arrivé quelque chose Artu savait qu'il ne pourrait plus jamais être le même homme qu'avant, cette homme que la mort de son père avait déjà passablement effacé, cet homme qui voyait la beauté en toutes choses... Irina...*

*Bijou se rapprocha de son patron. Elle sentait la tristesse voire le desespoir des gens présents. Tous ils avaient perdu quelqu'un dans cette guerre sanglante. Pas elle. Mais malgré ça elle savait que rien ne serait plus comme avant. Déjà parce que Milady partie, il allait falloir la remplacer. Elle y veillerait.*

hj: je veux bien refaire une prostituée pour faire un peu de remplumage!^^

Zlatan entra dans le palais, un peu par hasard, en suivant Vlad, seule tête connue parmi tous ces étrangers. Il tomba presque à la renverse lorsqu'il fut dans la pièce. Lui qui n'avait l'habitude que des hutes et des baraquements de soldats... Toute cette hauteur, tout cet espace, ce sol presque translucide, c'était trop d'un coup. Il était encore plus seul qu'avant, et ce n'était pas peu dire... Il ne retrouvait rien de connu ici, tout simplement parce qu'il n'y avait rien qu'il connaisse... Ses yeux n'étaient même pas en mesure de reconnaître ce qu'ils voyaient. Il était mal, très mal et le sentiment d'impuissance et de désespoir qui l'avait saisi devant les huttes calcinées le reprit. La guerre, ça avait le don d'anesthésier les souvenirs....

Gabriele cherchait Artur des yeux. Il fallait impérativement qu'elle lui parle. L'instant était mal choisi, certes, mais c'était une urgence, il leur fallait un droit d'asile... Elle le vit, enfin, elle pensait que c'était lui, cela faisait quelques années qu'elle ne l'avait vu. Enfants, ils jouaient ensemble en Angleterre ou en Russie, leurs parents étaient très amis, comme toutes les grandes familles de ce monde. Elle s'approcha de lui:

-Artur, c'est bien vous?

Akilina entra dans la cour d'entrée, comme elle l'avait fait pour la premiere fois, des mois auparavant. Ses valises à la main, elle se dirigea vers un petit groupe déjà formé. Elle s'était réfugié en Inde, mais la cour lui avait manqué. La plupart des personnes qui étaient présente refermait une grande tristesse sur leur visage. Ils avaient perdu un etre cher, et ils devaient maintenant commencer leur deuil.

*Artur se retourna vers la voix qui le tirait de sa léthargie.*

- Mademoiselle?

*Il reconnaissait la jeune fille mais sans savoir qui elle était vraiment...*

- Denis! Content de te revoir également!

*Il lui serra la main, heureux de voir des têtes connues et aimées.*

- Eh bien oui je suis rentré dès que possible. Je ne pouvais pas rester en France plus longtemps même si je me dis que ça aurait sans doute été plus sage. Et toi comment vas tu?

- Je me doutais qu'elle ne reviendrait pas. Que fait-elle à présent? Tu ne l'as pas laissée dans une autre maison close, n'est-ce pas?

*Schmuel était triste, mais il savait que Milady serait plus heureuse chez elle. Elle n'avait jamais été comme Bijou, elle n'avait jamais complètement adopté la Russie.*

- Il va falloir que tu me retrouves une fille! *dit il en plaisantant.*

- Quand tu auras de ses nouvelles, donne m'en s'il te plait! Je devrais trouver une nouvelle assez facilement alors. Tant mieux. Je passerai te voir quand tu seras réinstallé. Et quand j'aurai le temps de le faire, ici on manque cruellement de personnel comme tu t'en doutes! J'ai l'impression de déblayer des cendres... Mais enfin, sans aller jusqu'à dire que ça a du bon, je pense que le royaume se relèvera encore plus fort. Artur sera à la hauteur plus que son père. Pourtant Dieu sait si j'amais Nikolaï...

Gabriele se doutait bien qu'il ne la reconnaitrait pas, même si au fond, elle avait espéré que si. Cela faisait bien longtemps, et elle avait changé, indubitablement. Elle sourit donc et se présenta:

-Je suis Gabriele of Newhampton, la fille du duc de Newhampton.

Elle espérait que cela suffirait à ranimer son souvenir dans la mémoire d'Artur, sinon, que pourrait-elle dire pour se faire reconnaitre? On jouait ensemble quand on était petit? Pathétique! Elle n'aurait plus qu'à chercher refuge ailleurs...