Quête de quiétude.

Irina s'était détendue dès qu'elle avait franchit le seuil des arbres dans les bois. Kuolema avançait à grandes foulées, et l'exercice leur faisait du bien à toutes les deux. Elle aimait prendre de la vitesse, serpenter entre les arbres. Pour cela, Lema était douée, très réactive, elle anticipait presque les mouvments de sa cavalière.

Cette cour était étouffante. Pourquoi était-elle venue? Elle regretta de n'avoir pas eu l'occasion de demander au Tsar la permission de chasser sur ses terres. Cela lui manquait, et elle avait peur de perdre sa dextérité.

Au moins, avec Kuolema, elle était libre de ses mouvements, libre de penser, libre de jurer! Elle l'amena à faire une halte auprès de la rivière et descendit souplement. Kuolema s'y abreuva et Irina s'aspergea le visage. C'était cela la vrai vie. C'était la première fois qu'elle ne se sentait pas au bord de perdre son calme de puis qu'elle était arrivée... peut-être parce qu'elle était seule?

Elle finit par s'allonger dans l'herbe, écoutant les bruits autour d'elle.

*Artur réfléchissait. Il pensait au danger qu'il courait et surtout au danger que courerait son frère, Grigoryi si jamais... Mais il ne voulait pas y penser et la forêt avait toujours eu le don de l'apaiser. Il aperçut la jeune cavalière de loin. Ses cheveux roux étaient tout simplement éblouissants. Ils semblaient être de feu.*

Lorsqu'Irina se releva, Kuolema avait disparue. Où était-elle passée? Ce n'était pas son genre de se ballader trop loin d'elle...

- Kuolema! l'apella-t-elle.

Rien, rien d'autre que le silence.

- Kuolema, cesse de jouer! Reviens ici!

Elle entendit hennir au loin. Quelle toupie! Irina savait qu'elle adorait la faire tourner en bourrique, mais ce n'était pas vraiment l'endroit. Bon, la retrouver ne lui prendrait pas trop longtemps. Au moins, elle n'avait pas l'embarras de jupes et jupons et elle progressait rapidement à travers les ronces. Elle cruût apperçevoir une silhouette humaine se détacher à côté de celle de Kuolema...

*Artur sortit de l'ombre, un sourire un peu ébahi aux lèvres. Il avait l'impression qu'elle n'était pas réelle. Le soleil qui jouait dans ses cheveux lui dessinaient comme une auréole resplendissante autour du visage. Il s'appocha.*

- Bonjour mademoiselle! Je vous ai vue chevaucher. Vous êtes une magnifique cavalière. Enfin, une très habile cavalière!

*Il avait pris conscience du double sens de ses paroles en les disant et rougit un peu.*

- Je suis grossier, excusez moi, je ne vous ai pas demandé votre prénom! Je m'appelle Artur, enchanté!

*Il s'inclina avec respect devant la jeune femme.*

Irina regarda Artur s'incliner. Elle était intriguée. D'habitude, les hommes qui s'inclinaient devant elle le faisaient un sourir moqueur aux lèvres juste avant de leur faire une remarque acerbe sur l'inadéquation de son attitude. Pas lui. Elle lui sourit, un de ses sourires en coins qui lui échapaient de temps à autre quand elle ne faisait pas attention. Mais il fallait dire que je compliment était charmant.

- Je m'apelle Irina.

Comme elle était approchée, Kuolema s'était raprochée d'elle avec un hennissement qui visait uniquement à la narguer. Quand elle s'évadait ainsi, c'était en général qu'elle croyait avoir trouvé l'âme soeur... et ensuite elle restait stupide pendant plus d'une semaine. Elle regarda autour d'eux à la recherche du cheval d'Artur.

- Etes-vous à pied? demanda-t-elle un peu abruptement mais avec une interrogation sincère.

Il fallait dire que l'absence de cheval à l'horizon la surprennait fortement.

*Irina... Que ce prénom sonnait bien!*

- Oui, je suis à pied. J'ai passé six mois à cheval alors je crois que je fais une sorte de rejet! De plus, je voudrais trouver un nouveau cheval, le mien est mort voici un peu plus d'un an mais je n'arrive pas à le remplacer. ça peut paraitre idiot mais j'ai besoin que le courant passe avec le cheval pour en faire mon compgnion de route. En ce moment j'alterne donc les montures, en fonction du contexte... J'ai entendu que la vôtre s'appelait "Kuolema". Est-ce que ça a une signification particulière?

Artur l'intriguait. Ils étaient au milieu des bois, et il discutait avec autant d'aisance que s'ils s'étaient trouvés dans un jardin, ou un salon... Enfin, elle préférait nettement la forêt aux salons. Les gens perdaient généralement leurs masques et leurs plumes...

- Dites donc, six mois sur un cheval qui n'est pas le votre... Je ne sais pas si je m'y serais faite. Je me serais sentie bien seule... Où était-ce?

Irina ne pouvait pas vraiment envisager un si long périple sans Kuolema. Elle était comme une extension de son propre corps, et cela lui aurait semblé peu naturel.

- Je suis narvée pour votre cheval. Franchement. Je sais à quel point c'est difficile de trouver celui qui ne sera pas seulement notre monture mais plutôt une extension de nous-même. Vous avez l'ouïe fine, oui Kuolema est ma jument... Cela signifie 'La Mort' en finnois.

Elle marqua une pause pour lui donner le loisir de trouver une excuse pour partir... Un rendez-vous qu'il aurait oublié, des essayages pour une tenue de cérémonie, l'enterrement de son chien... En général, tout le monde attendait d'une jeune femme qu'elle donne un nom doux et romantique à son cheval. C'était loin d'être son genre.

*Artur sourit. Un sourire franc qui ne faisait que ponctuer l'admiration qu'il avait pour ce nom original.*

- En fait j'étais parti pour affaires politiques au Kazakhstan. Il est question de les annexer à l'empire. J'ai passé six mois à suivre une tribu de nomades. L'une des plus grandes. Je peux vous dire que c'était une aventure extraordinaire et magnifique en même temps. Un autre monde. Ils m'avaient prêté un cheval àeux avec lequel je m'entendais assez bien mais vous savez à quel point c'et différent quand on sent vraiment que le cheval est le vôtre...

*Il repensa un instant au prénom de la jument d'Irina.*

- Du finnois? Vous parlez donc cette langue? Comment celase fait-il? Auriez-vous des racines en Finlande?

*Artur était un jeune homme curieux, qui plus est quand la personne en face de lui l'intéressait. C'était le cas d'Irina. Elle était si différente des filles de Cour habituelles. Il avait plaisir à apprendre à la connaitre.*

- Des cousins éloignés du côté de mon père... Nous leur avons rendu visite il y a deux ou trois ans et ça m'a permis d'apprendre la langue. Assez compliqué si vous voulez mon avis, mais les sonorités sont assez envoutantes...

Elle aurait tout donné pour retourner là-bas. Passer autant de temps loin de sa mère avait été un soulagement, aussi bien pour son père que pour son frère et elle. Le voyage avait été un rêve devenu réalité, chevaucher pendant des jours entier aux côtés d'Iriney hors des frontières de leurs terres...

- Le Kahzakstan? La vie doit-y être radicalement différente. Vous avez dû vous sentir un peu perdu au début, non? Vivre en nomade n'a rien à voir avec les simagrés de cour... J'imagine que tout le supperflu doit s'égarer sur le chemin... le paraître, les hypocrisies, les discours vide de sens, les costumes pompeux...

Un léger sourir vint effleurer ses lèvres à la simple idée d'une vie où l'essentiel ne serait pas relégué au rang de secret.

- Ce n'était pas la première fois que j'y allais. J'ai déjà du m'y rendre plusieurs fois auparavant mais j'avoue que ce voyage m'a beaucoup surpris. Je ne m'attendais pas à me faire attaqué par des hordes de Mongols... Avant tout était pacifique là-bas alors que maintenant les Etats voisins font tout pour mettre la main sur le pays. Bien sur la Russie n'est pas non plus à sanctifier dans cette voie. Notre politique est clairement axée vers une annexion... Cependant, il n'est pas quesion ni de colonisation ni de massacres.

*Artur sourit à l'évocation de la Cour*

- Oui, on se sent tellement loin des masques qu'il nous faut porter en société. La véritable nature des hommes se révèle dans les étendues arrides... Et elle est plus belle que ne le sont les peintures exagérées de certaines femmes ici, contrairement à ce que l'on pourrait croire! Mais, dites moi, la Cour finoise, comment était-ce?

*Il n'y avait jamais mis les pieds et désirait ardemment en savoir plus sur ce qu'elle avait vécu. Il adorait partager l'expérience des gens, cela le faisait sentir plus riche de choses non palpables qu'il pourrait toujours emmené avec lui. Lui, Prince de sang n'ayant jamais connu l'exil, se sentait parfois comme un nomade qui aurait perdu la mémoire, toujours sur le qui-vive sans savoir pourquoi. Cette manie qu'il avait d'amasser les histoires venaient de cette mémoire lointaine du temps où tous les hommes se déplaçaient avec pour seul bagage l'essentiel: leurs contes.*

- La situation a été plus florissante. Comme vous de savez certainement, la Cour de Finlande est toujours dominée par la Suède. Le suédois est toujours la langue parlée à la cour, mais mes cousins se targent de leurs origines, prenant le parti de parler les deux langues selon l'occasion...

Cela devait être une habitude dans la famille, toujours à défier l'autorité.

- Il est étonnant de voir les diférences entre le peuple finlandais qui lutte pour survivre tout en s'aquittant des impôts étouffants imposés par Stockholm, et cette cour digne. Dessous ses apparences de calme et de modération rafinée, les nobles finlandais grondent. Au final, cela doit ressembler à Saint Petersbourg, hormi le fait que les tensions entre ces deux noblesses soient souvent palpables ils se spécialisent dans la musique, le théatre, les discussions philosophiques et autres formes d'art. Chacun fait de la politique, mais personne ne l'avoue... Enfin, c'est ce que j'en ai vu et ce que mes cousins m'en ont dit.

Il était vraiment agréable de parler avec Artur. Elle abordait rarement la politique pour la simple raison que seul son frère savait que ses idées étaient valables. Les autres l'aurait ignorée, mais Artur semblait l'écouter avec de l'attention non feinte. Irina commença à se demander ce que cachaient ces deux yeux à la fois rêveurs et intelligents.

- Sensiblement plus, oui. Quand j'y suis passée, j'ai vu la Princesse Jaana suivre les ministre en conseil. Elle n'avait que seize ans à l'époque, mais elle promettait déjà d'être une héritière on ne peu plus compétente. Elle avait perdu son frère ainé après un attentat l'année précédente, mais étrangement, son rang de femme l'avait protégé. Personne n'aurait imaginé qu'elle entreprenne de prendre sa suite.

Il était tellement facile de parler avec Artur. Irina en oubliait ses réserves naturelles. Elle avait en face d'elle un homme qui la considérait comme son égale, et même si cela la surprenait, elle profitait de l'occasion sans restriction.

- Mais en fait, Jaana, ce n'est que l'aspet visible de l'iceberg. Les femmes ont une tendance à s'impliquer dans les affaires de leurs maris, leurs frères et leurs pères, de façon discrète. Disons qu'elles ont l'art et la manière de tirer les ficelles sans que personne ne s'en apreçoivent. Elles sont beaucoup plus curieuses que les femmes d'ici je trouve. Et le fait qu'elles participent activement aux arts de la court n'y est pas étranger. Ecrivains, poetes, dramaturges... certaines tiennent même des salons philosophiques! Imaginez cela ici? Et qu'en est-il des femmes Kazakh? Dans une société nomade leur rôle doit être très particulier?

- Ici la femme est objet par rapport aux sociétés que vous me décrivez, au Kazakhstan, elles sont soumises à de rudes épreuves et s'occupent de beaucoup de tâches très ingrates... Les hommes assurent la protection pendant que les femmes s'occupent de faire marcher le campement. Elles sont silencieuses pour la plupart, presqu'invisibles... Leur statut n'est pas enviable, de soeur ou de fille d'untel elles deviennent l'épouse de... Aucune d'elle ne se permettrait de signaler quoi que ce soit à un homme, alors s'occuper des affaires de politique... En Russie une femme pense que faire un bon mariage est le but à atteindre, ce qui est dommage. Je ne pense pas que les bonnes idées soient résevées aux hommes. Chacun ses forces et ses faiblesses mais elles peuvent être utiles en tout lieu pour toute tâche à mon avis. Il est vrai que nous sommes physiquement différents mais pourquoi certains travaux seraient-ils réservés? Après tout, ce qu'elles n'ont pas en force, les femmes l'ont souvent en débrouillardise car elles sont obligées de faire avec leur force moindre. Parfois je pense que c'est mieux ainsi. Et puis, les hommes sont moins forts que les ours, pourtant, dans le combat l'homme peut gagner s'il se sert d'autre chose que de ses muscles. Alors c'est complètement aberrant de réserver certaines tâches aux hommes. Il y a toujours plus fort que soit et cela n'empêche pas d'avancer!

*La discussion prenait un tour qui lui plaisait. Il respectait infiniement les femmes et pensait même qu'un conseille de femmes seraient parfois bien utile dans les affaires politiques.*

- Si plus d'hommes parlaient comme vous, la société serait bien diférente. Notre problème, c'est que l'on assigne aux deux sexes des tâches et des rôles bien distincts qui sont encore plus différents alors que l'on monte dans la société. La politique est affaire d'homme, et les mariages sont affaire de politique car si les familles se doivent de doter leurs filles, c'est toujours pour obtenir des avantages par la condition de son futur époux ou un soutien politique. La femme se retrouve marchandise d'un contrat dans lequel elle n'a pas le droit de citer... Enfin, c'est ce que les pères et les mères leur font croire, parce que dans les faits, une fille a toujours le pouvoir de dire "non". On ne l'écouera pas toujours, mais au moins elle l'aura dit.

Déjà, Irina n'arrivait plus à décrocher ses yeux de ceux d'Artur. Un regard franc et dirrect était souvent mal pris de la part d'une femme, mais avoir une conversation était dificile si l'on perdait le contact visuel... Encore un règle empêchant ls femmes d'agir...

- Alors aux femmes d'être belles, riches, de faire les enfants et de savoir tenir une maison. C'est tout ce qu'il faut pour se marier. Si elle est juste assez stupide, son mari sera heureux. Pendant ce temps, les hommes asseoient leur autorité sur tout ce qui les entoure... Aux hommes de faire de la politique, de marier leurs filles et de régenter leurs femmes, de manier une épée, de philosopher, de chasser.

Artur aurait-il assez d'ouverture d'esprit pour tolérer son discours? Elle l'espérait. Mais Irina ne pouvait que se demander s'il était marrié, et si c'était le cas, s'il se sentait concerné par sa description.

- Bien sur, vous avez raison, et c'est là une bien grande honte pour la gente masculine, croyez moi... Bien sur, en temps que prince, il est écrit que je doive moi aussi devenir l'un d'eux, me marier sans amour et aimer le pouvoir. C'est tout à fait contraire à ce que je suis, je n'ai jamais rien voulu d'autre qu'une vie heureuse... Vous savez, cela me peine réellement que mon père songe à moi pour lui succéder. C'est une tâche qui ne me parle pas. La politique, les relations mondaines, cela est fort bien, mais ce qui s'y rattache de masques et d'hypocrise est absolument révulsant. Savez vous ce qui me ferait le plus plaisir? Pouvoir vivre à la Cour mais devenir conseiller. Ne le répétez pas, mais je n'ai absolument pas l'intention de règner si je peux m'y soustraire... Si tout se passe comme prévu, c'est Grigoriy qui sera le futur Tsar. Quand il sera grand, bien sur!

*Le secret qu'il venait de lui dévoiler était de taille, il n'en avait jamais parlé de vive voix avec personne. Pour deux raisons: la première, parce que bien sur cela ne se ferait peut-être pas et la seconde parce qu'il ne fallait pas que quiconque de mal intentionné le sache. Grigoriy serait en grand danger. Mais il faisait confiance à Irina. Etrange puisqu'il la connaissait à peine, mais il avait l'impression de lire son coeur pur et valeureux dans ses yeux d'océan.*

Irina détailla Artur un instant sans parler. Il n'était pas de ces hommes qui en imposaient et faisaient trembler par sa seule présence. En revanche, ses yeux renversants semblaient lire en elle et cela la perturbait. Il avait un regard analytique sur les choses, un regard intelligent, sachant voir la situation sous diférents angles. Il en paraissait presque clairvoyant.

Une autre chose qui la perturba fortement, était qu'il lui fit confiance. Peu de gens le faisaient, mais elle était assez intelligente pour savoir que les confidences qu'il venait de lui faire pourraient mettre en danger la moitié du pays, et l'ensemble de la famille royale.

- Tu es époustouflant. Marlgré tes aspirations, tu mets ta vie en danger pour t'assurer que le trône tombe entre les mains de ton jeune frère... Remarque,il est vrai que tu es plus à même de te protéger que lui.

Irina ne connaissait personne capable d'une telle abnégation. Elle en frissonait.

- Et combien de temps crois-tu à devoir protéger Grigoriy de Aleksandr? demanda-t-elle, la voix rendue rauque par l'émotion.

Irina aurait voulu lui dire qu'il pouvait lui faire confiance, mais ses mots auraient sonné bien creux, tellement loin de la réalité. Elle était prête à donner sa vie pour protéger se secret, et aucun mot ne pourrait retranscrir la profondeur de ses émotions.

- J'ai en réalité bien peur de le formuler à voix haute mais la seule chose qui puisse protéger durablement mon frère et le royaume, ce serait la mort d'Aleksandr... Mon père ne peut s'y résoudre, mais pourtant c'est là la seule chose à faire... Comment peut-on en arriver à un tel point de haine envers son frère qu'on en vienne à souhaiter sa mort? Je ne me l'explique pas...

*Aleksandr avait toujours été spécial mais Artur l'avait toujours admiré auparavant. L'homme qu'il était devenu, il ne le reconnaissait pas...*

- Vous savez, des fois je le regarde dans le fond des yeux et je n'y vois plus l'enfant que je connaissais, le grand fère avec lequel je chevauchais... Le pouvoir l'a perverti et l'homme qu'il es devenu a tué l'enfant que j'aimais...

Irina fut frappée par la peine profonde qui s'était emparée d'Artur. Elle ne voulait même pas imaginer la situation dans la quelle il se trouvait. Qu'est-ce qui était pire? Avoir vu disparaitre le frère qu'on aimait tant? Ou devoir être l'instrument de sa mort.

Elle ne put s'empêcher de poser sa main sur sa joue dans un geste simple de réconfort. Elle crut le sentir tressaillir.

- Je suis profondément navrée. Cela doit vraiment être terrible, terrifiant... Je n'ose pas imaginer ce que tu dois ressentir. Je ne sais pas si j'aurais la force à accepter les choses comme tu le fais.

Et c'était vrai, elle se serait donné la mort plutôt que de tuer son frère. En revanche, si le frère qu'elle connaissait devait disparaitre et se transformer en créature froide et cruelle, elle se ferait un devoir de l'abattre en mémoire de son cher Iriney, avant de mettre fin à sa propre vie...

*Quand Irina posa sa main sur lui, Artur ressentit quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti, comme si le feu prenait possession de ses entrailles. Il se dit une demie seconde qu'il ne pourrait se passer de ce contact désormais. Il lui était devenu essentiel en une main sur sa joue...*

- J'espère que tu n'auras pas à le faire... *dit il d'une voix légèrement rauque. Il remarqua également qu'il la tutoyait et en était heureux* Je ne voudrais être à la place de mon père pour rien au monde... Pourtant, il n'a pas le loisir du choix. Aleksandr est devenu dangereux... Il n'hésitera pas, ici ce sera l'enfer s'il devient Tsar!

*Il se rendit compte qu'il n'aurait voulu pour rien au monde être ailleurs sur Terre. La présence d'Irina le vivifiait.*

- As-tu un frère? Que ferais tu à ma place?

Irina laissa doucement ses doigts glisser de la jouer d'Artur, non pas sans un certain regret. Elle se sentait un peu chamboulée.

- Si j'ai un frère... un jumeau, Iriney... Oui je sais ma mère n'était pas très créative...

Pour Irina, la similitude de leur prénom avait toujours contribué à faire d'eux deux des êtres intrasèquement liés, nécéssaire l'un à l'autre.

- Nous sommes tellement proches, qu'il m'est parfois difficile de savoir où il s'arrête et où il commence. Mais je crois que je tuerais mon frère de mes mains s'il devait perdre ce qu'il fait qu'il est lui. Je ne m'en remettrait certainement pas, mais ce serait la seule chose à faire.

Ces réfléxions avaient plongé Irina dans une gravité qu'elle tentait de fuir depuis quelques jours.

- Mais il me semble que c'est la seule solution. Ton père et toi, vous le devez à votre peuple, et à ton frère. C'est horrible à dire, mais vous n'avez pas le choix.

*Artur ne pouvait détacher ses yeux de ceux d'Irina. Il aurait pu y plonger tout entier. Il y avait quelque chose comme une lueur au fond de son regard. Il lui taversa brièvemnt l'esprit que c'était un phare, celui qui guidait les égarés de l'océan. Secouant la tête, il se reprit.*

- Ton frère jumeau ne te manque pas trop? Est-il en Russie en ce moment? Avec Aleksandr nous avions partagé beaucoup, jusqu'à un certain âge. Il a toujours eu ce côté froid et manipulateur mais moins présent et surtout ce n'était pas sa façon de se comporter, c'était en de rares occasions. Il a choisi un chemi sur lequel je ne peux pas le suivre. Je sais qu'un jour il faudra qu'il soit tué. Ce jour là je ne verserai pas une larme pour l'homme qu'il est mais il est vrai aussi que je serai inconsolable en repensant au petit garçon qui est déjà mort, malheureusement... Mais parle moi plutôt de ton frère! Comment est-il? Est-ce qu'il est marié?

Irina laissa échapper un rire amer.

- Marié, c'est bien cela le problème. Vois-tu, mon frère est le premier être humain à m'avoir donné ma chance. A Irkoustk, tout est grand, vert, naturel. Alors depuis que nous avons dix ans, nous passons tout notre temps à cheval, ou à s'entraîner ensemble. Il ne regarde pas avec mépris mon intérêt pour les armes et il est vraiment mon seul ami là-bas, le seul à se soucier de mon bonheur. Et de son côté, il a depuis tout petit quelqu'un qui le suit où qu'il aille, prêt à toutes les folies! Alors quand on aime immodérément la chasse, les chevaux et l'entraînement, on n'éprouve pas de plaisir particulier à converser poliment dans un salon.

Elle revit avec un pincement au coeur les salon d'Irkoustk, le regard froid et calculateur de sa mère, le regard rêveur de son père. Comme à chaque fois qu'elle parlait d'Iriney, elle s'emportait.

- Bref, il a toujours préféré partir en promenade avec moi à la compagnie de ses prétendantes... qui se retrouvaient rapidement distanciées par nos calvacades. Le remariage de ton père a fourni à ma mère une excellente raison pour m'envoyer hors de la maison. Au moins, sans moi dans les parages, il pourra voir les autres femmes... Je sais que c'était la seule chose à faire. Mais j'ai peur qu'il ne fasse une bêtise. Ma mère a l'art de choisir les filles les riches et les plus sottes de Russie.

- Oh... J'espère pour lui qu'il choisira lui même alors... Rien n'est pire qu'un mariage arrangé sans amour. Je sais, venant de moi ça peut paraitre ridicule étant donné que mon père est le Tsar et qu'il s'est marié deux fois sans amour mais justement, c'est une erreur que je tiens à éviter. Tu as du en entendre parler d'ailleurs, tout le monde ne parle que de ça en ce moment, Sofia et moi avons rompu nos fiançailles... C'est une jeune femme très bien, mais à force de se connaitre, nous n'avions pas vu que ce qui nous liait n'était qu'une amitié profonde. Et je ne veux pas de cela. A quoi bon vivre une vie entière sans l'essentiel?

*Il se demandait si Irina était elle même fiancée. Il espérait que non...*

La nouvelle frappa Irina. Elle ne sut pas trop pourquoi. Artur n'était pas comme les autres hommes qu'elle avait rencontré. elle ne resentait pas du tout les mêmes choses, et cela l'effrayait presque autant que cela l'enivrait.

- Rompre vos fiancailles ! Comment cela est-il possible? Je veux dire, je comprends pour tes sentiments, mais aucun contrat ne vous unissait à elle? Pas d'engagement de la part de sa famille? Pas de traité de paix signé sur votre union? Ton père n'a rien dit? C'est hautement inhabituel, pour un prince de sang de rompre un tel engagement, surtout après deux ans...

Un homme qui avait une telle approche et une telle liberté par rapport au mariage lui semblait tout droit sorti d'un rêve. Derrière ses yeux rêveurs, il devait avoir beaucoup de volonté pour prendre et assumer cette décision.