Nuit Blanche.

Anushka était agité. Trop agité. Il s'était passé des tas de choses dans la journée et elle n'était pas au bout de ses peines avec la journée qui se profilait.

Elle s'affala lourdement sur son lit et se défit de sa robe qu'elle jeta à terre, ne gardant que ses dessous. Elle ne prit même pas le temps d'allumer la bougie. Ses jambes commencaient à être lourdes à cause de la journée passée debout alors elle mit ses pieds contre le mur, se couchant dans le mauvais sens, la tête pendant en dehors.

Elle regardait la pleine lune qui éclairait sa chambre d'une lueur étrange.

Vlad revint dans sa tête non annoncé. Elle avait du mal à le cerner. Les soldats qui étaient trop familier avec les filles de cuisine avaient en général autre chose en tête, mais pas lui. Ou alors, il le cachait bien. Il n'était pas n'importe qui, et il la regardait comme si elle était importante... Ermolai aussi d'ailleurs, mais elle avait passé tellement de temps avec Vlad ces derniers temps.

Elle avait beau retourner Vlad dans tous les sens, elle était sûre d'une chose, il était son ami. C'était étrangement agréable et inquiétant.

Et puis il y avait le problème Grisha. Il allait falloirqu'elle l'évite soigneusement... A cette simple idée, elle se sentit lasse. Sa vie n'était pas trop mal, pourquoi fallait-il qu'il vienne mettre le bazar? Avec un peu de chance, il allait repartir quelque part, loin, avant de savoir qu'elle était là.

Elle avait le droit de rêver!

Anushka ne supporta pas de rester immobile dans son lit très longtemps. Elle se leva donc et se mit à faire les cents pas dans sa chambre en bougonnant.

- Pourquoi faut-il que ma vie soit aussi compliquée? Tout a été si soudain... Nushka, arrête de te prendre la tête avec tout ça, ça ne veut rien dire... Tu te fais des idées, ce n'est pas bon qu'une domestique se fasse des idées!

Elle se mit à pousser un cri de frustration. Parler seule la mettait encore plus en rage. Elle était encore moin encline à se laisser emoporter par le sommeil maintenant! Une seule solution à cela. Elle allait descendre au cellier. Il y aurait bien une vieille bouteille de vodka qui trainait et qui ne manquerait à personne. Cela fera l'affaire pour la sonner et l'envoyer dans les bras de Morphée.

Sans prendre la peine de se rhabiller, elle se précipita vers sa porte avec la ferme intention de s'offrir la cuite de l'année (une fois ne serait pas coutume), l'ouvrit brusquement et en s'enfoncant dans le couloir sombre telle une tornade, elle heurta de plein fouet quelque chose de dure comme un roc. Impossible que ce soit déjà le mur, le mur n'était pas si près... le mur n'avait pas cet accueil à la fois doux et resistant... et le mur n'avait ni vêtements, ni bras, ni jambes. Elle leva la tête et pour une fois, le sang lui monta aux joues et se mit à enflammer son visage.

- Vlad...

Son coeur battait beaucoup trop vite pour qu'elle puisse réfléchir. Anushka bafouilla un instant. Que devait-il penser d'elle? En dessous, les cheveux défaits, et certainemnt une lueur de folie toujours sur le visage.

Elle se recula un petit peu, fortement troublée par la proximité de son corps, et croisa faiblement les bras sur sa poitrine, consciente que sa chemise ample ne devait pas câcher grand chose des contours de son corps.

- Je... Je cherchais quelque chose pour dormir... Je suis trop agitée ces temps-ci...

Mais pourquoi lui disait-elle tout ça? Qu'est-ce qui lui prenait? Au moins, elle ne lui avoua pas qu'elle cherchait surtout à pendre une cuite.

- Mais, et toi? Qu'est-ce que tu fais ici? Tu es bien loin de tes apartements? As-tu besoin de quelque chose?

Elle avait refusé de dire des appartemetns de la noblesse pour ne pas creuser un peu plus le gouffre qui les séparait. Mais maintenant, sa curiosité était piquée.

Sa respiration se faisait plus difficile. Pitié, faites qu'il ne remarque rien!

Et que pouvait-elle bien lui répondre? Pouvait-elle se permettre la vérité? De quoi aurait-elle l'air?

- Nulle part... Il ne vaut pas mieux que tu saches... Et puis je crois que je n'en n'ai pas vraiment besoin.

Elle n'arrivait pas à se décider. Vlad qui n'arrivait pas à dormir et qui venait devant sa chambre... C'était à la fois effrayant et flatteur. Ansuhka sentit sa poitrine se serrer. Ne pas se faire de fausses idées... ne pas se monter la tête... En même temps, son comportement n'était pas vraiment normal... Enfin...

- Et puis pourquoi tu n'as pas frappé? Non, oublie ça.

Il fallait que son cerveau trouve quelque chose. Ils ne pouvaient pas rester dans le couloir comme ça. Mais elle qui était d'habitude si débrouillarde n'arrivait pas à prendre une décision. Elle ne pouvait pas décrocher ses yeux de ceux de Vlad.

- Je ne sais pas... Et toi? Que penses-tu d'une fille qui sors au beau milieu de la nuit en sous-vêtements! C'était plus une question réthorique en fait, elle redoutait de connaître la réponse.

Anushka allait le regretter... C'était à n'en pas douter. Mais elle ne pouvait pas ne rien faire.

- Tu veux entrer?

Quoi? Elle n'avait rien d'autre de plus tendencieux à lui dire!

- Je veux dire, ne reste pas dans le couloir.

Réalisant que tout ce qui sortait de sa bouche l'enfoncait irrémédiablement, elle s'effaca pour le laiser passer, pas très sûre si la perspective de le voir partir en courrant de l'autre côté la soulagerait ou augmenteait à jamais sa détresse.

Pourquoi était-elle aussi gauche? Bon sang, elle se serait donnée des claques.

Il lui sourit et elle crut fondre sur place. Elle lui retourna un sourir radieux, bien qu'un peu gêné. Anushka s'engouffra à la suite de Vlad, refermant la porte derrière elle, et attrapa un châle qui trainait par terre et s'en drapa les épaules. Le temps d'allumer une bougie, elle s'assit au bout de son lit. Elle le laissa choisir entre la petite chaise qui était contre le mur et la place qui restait sur son lit.

- Désolée, je n'ai rien à te proposer que de l'eau... toute la nouriture est en cuisine... Pour tout te dire, je n'arrivais tellement pas à dormir que j'ai considéré l'opportunité de me liquider une bouteille de vodka histoire de m'assommer... Voilà pour la fille tarée dans le couloir, fit-elle en lui offrant un sourir un peu mutin, elle courrait comme une folle vers le cellier.

Il avait été franc avec elle, et elle lui devait bien cela. Au pire, il la prendrait pour une pochetronne.

Anushka se leva pour remplir deux verres d'eau, mais quand elle tendit le verre à Vlad leurs doigts se frôlèrent. Elle puisa un certain plaisir dans ce fugace contacte, marqua une légère pause et se rassit un peu moins loin de lui.

Il se comportait en parfait gentilhomme, et si cela ressemblait presque à une visite de courtoisie... tardive. Pour une fois, elle ne savait pas trop quoi dire. Elle ne se voyait pas entretenir une petite discussion anodine, ni lui parler de la pluie et du beau temps.

Elle se mit à exploser de rire. Elle quitait à peine Vlad des yeux, elle en était incapable. Jamais elle ne s'était sentie aussi gourde.

Elle écrasa une larme de rire.

- Désolée... Ce n'est vraiment pas toi! Je me trouve ridicule que j'ai les nerfs qui lâchent! C'est juste que... comment dire. Je n'ai pas l'habitude de n'avoir rien à dire. Mais là... Tout ce que je sais faire, c'est t'offrir un verre d'eau... Pas vraiment la maitresse de maison idéale, tu ne trouves pas?

- Dis-moi, tu es resté longtemps debout devant ma porte?

Elle avait demandé cela avec le sourire, comme à chaque fois qu'elle s'adressait à Vlad ces derniers temps. Cela faisait plaisir de l'entendre rire, et sa bonne humeur détendit l'atmosphère. Etrangement, la gêne qui s'était emparée d'elle commençait un peu à se dissiper.

- Et tu aurais fait quoi si j'avais dormi comme un bébé et que je n'avais pas ouvert?

Plus elle parlait avec lui, plus son coeur savait quel chemin prendre. Il ne lui manquait plus qu'à savoir s'il était aussi fou qu'elle. Et si c'était le cas, ils n'étaient pas tirés d'affaire.

- C'est officiel, l'armée a un fou en guise de général!

Elle adorait son sourir, cette rangée de dents blanches qui éclairait sa nuit.

- Tu a un grain encore plus gros que je ne croyais... J'apprécie... Je me sens moins seule.

Elle imaginait déjà Vlad, roulé en boule devant sa porte...

La foudre venait de lui tomber sur la tête. Littéralement. Ces mots elle avait finit par les apeller sans le savoir. Mais les entendre la retourna.

- Vlad... eh bien, on peut dire que j'ai de la chance de ne pas dormir...

Elle se pencha en avant comme pour lui dire un secret et tendit légèrement ses mains vers lui.

- ... ca m'a permis de trouver celui que j'aime avant que lui ne s'endorme!

Anushka aurait voulu venir se blotir tout contre lui, lui qui la rassurait tellement. Toujours calme, fort, il l'attirait depuis le premier jour dans les cuisines de Stepan et elle avait été trop sotte pour le voir. Elle aurait voulu l'embrasser pour lui dire tout ce qu'elle n'arrivait pas à articuler. Ses yeux et son sourire renversaient son monde, en changeaient l'axe... et avaient fait la révolution dans son coeur. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas bouger?

Lorsqu'il vint se poser à côter d'elle et qu'il la prit dans ses bras, Anushka l'accueillit comme une délivrance, comme une porte ouverte sur un monde inconnu, mais oh combien fascinant. Ses lèvres retrouvèrent les siennes comme si elle s'apartenaient depuis la création du monde, à la fois si douces, tendres et fougueuses.
Elle vint enrouler ses jambes autour de lui, souffrant physiquement de tenir la moindre parcelle de son corps éloignée de lui. Elle se sentait doucement dériver dans un monde dont lui seul avait la clef.
Anushka arracha doucement ses lèvres de celles de Vlad, et repoussa les cheveux du visage de son amour. Front contre front, elle plongea son regard proffondément dans le sien, plus profondément qu'elle ne l'avait jamais osé. Dieu!

- Je suis toute à toi... Je t'apartient toute entière... murmura-t-elle en laissant tomber son châle sur le sol, découvrant ainsi ses épaules.