Discussion féminine (pv Paradis/Bijou)

*Bijou se prélassait tranquillement sur son lit, épuisée par une nuit terriblement erreintante. Elle avait eu droit à ce stupide lourdeau de Barnard et bien sûr, il n'avait pas bu assez de vodka pour avoir au moins la politesse de s'endormir rapidement. En général elle trouvait que son métier était tout à fait satisfaisant, mais plus d'une nuit par semaine avec cet imbécile lui aurait probablement fait préférer n'importe quoi d'autre. Heureusement, tout le monde savait à quel point il était dégoûtant et révulsant, et elles se le repassaient. De ce fait, chaque fille avait un rapport par mois avec lui, la limite à ne pas dépasser. Elle avait toujours préféré certains clients à d'autres, mais jamais elle n'avait eu autant de répulsion pour un client.*

Paradis entra à cet instant. Elle avait passé une nuit absolument fantastique avec un client particulièrement charmant. Un jeune homme à peine adulte et c'était sûrement sa première fois. Il avait été adorable et s'était laissé guider, tout timide. Bref, une nuit adorable, comme ça faisait longtemps qu'elle n'en avait pas vécu.
Elle aperçut Bijou, allongée, l'air absolument crevée. Elle ne la connaissait pas bien encore, elle avait besoin de prendre ses marques avec les gens pour leur faire confiance, et elle estimait que Bijou méritait toute sa confiance.

-Ca n'a pas l'air d'aller...

Elle se disait qu'il faudrait qu'elle s'excuse pour sa froideur des débuts. Mais elle n'accordait plus sa confiance comme autrefois. Elle avait pris de la bouteille comme on dit. Elle se protégeait comme elle pouvait. Elle était là pour offrir le paradis aux hommes, rien de plus, on le lui avait assez fait comprendre. Mais pas ici, ici, c'était différent. Elle avait l'impression qu'elle avait le droit de redevenir un être humain, de délaisser sa carapace d'objet qu'elle brandissait comme un bouclier depuis si longtemps.

- Nuit Barnard, ma chérie, nuit Barnard...

*Elle n'avait pas besoin d'expliquer, toutes les filles savaient exactement ce que signifiait la périphrase...*

- Autant dire que j'ai du mal à m'en remettre. Même pas ivre, ça a duré des heures. Enfin, ave un peu de chance, il sera mort dans son vomi d'ivrogne avant le mois prochain. On peut rêver. Et toi, bonne soirée? Tu avais le petit, non?

*Rien n'échappait à l'oeil avisé de Bijou, elle savait toujours ce qu'il se passait au rat d'égouts, tout simplement parce qu'elle adorait l'endroit et que ses secrets la fascinait.*

Paradis fit la grimace:

-Aïe! Pas de bol... C'est pas l'apanacée, j'avoue... Enfin, vois le bon côté des choses, tu as un mois de répis. La prochaine fois, il est pour moi, ce vieux rat puant.

Rien que d'imaginer le corps flasque et velu de Barnard lui donnait déjà des hauts le coeur. Avait-on idée d'être répugnant à ce point? Elle avait déjà eu droit à deux nuits de Barnard depuis son arrivée, une catastrophe. Elle n'avait jamais rencontré d'homme aussi nul au lit. Une calamité, normal qu'il n'ait su attirer aucune femme. Il se jetait sur vous comme sur un bifteck bien tendre et c'était parti pour des heures de va et viens ponctuées de grognements. Ah on avait le temps de se refaire la manucure, pas de danger qu'il parvienne à son but avant au moins une heure...

-Sans entrer dans les détails scabreux, je dirais qu'il doit trop faire joujou tout seul, ça doit l'empêcher d'être opérationnel au moment M...

Puis elle répondit à la question de Bijou:

-Oui, j'avais le petit. Un amour, doux comme un agneau, et timide avec ça. J'ai passé une nuit délicieuse. Nul doute qu'il reviendra, il sera pour toi, tu verras le bonheur. Mignon comme un coeur. Et à la fin, j'ai même eu le droit à une déclaration d'amour dans les règles. Tu y crois, toi? Je l'ai gentiment mis dehors, et il est reparti, comme un gentil garçon.

Elle soupira:

-C'est sûr, c'est pas un Barnard... Tu me diras, un suffit amplement.

Puis elle posa une question qui la taraudait depuis qu'elle était arrivée:

-Pourquoi on t'appelle Bijou?

C'était un joli nom, un nom précieux, qui faisait plaisir à entendre.