Familiarisation (pv: prostituées)

*Bijou s'effondra, épuisée, sur un sofa rose bonbon. Elle avait passé la journée à marcher dans Saint-Petersbourg pour acheter des filles et elle n'en pouvait plus. Cependant elle était très fière d'elle, ils avaient là de bien belles recrues! Et puis comme à son habitude Denis n'avait pas été chien sur le pourboire, ce qui arrangeait bien ses affaires à elle. Elle aperçut alors une de ses petites préférées de celles qu'elle avait ramenées, la petite blonde souriante. Elle voulait absolument recréer un foyer avec ces nouvelles filles, c'est pourquoi elle rompit son repos pour lui parler.*

- Alors mon ptit ange, comment c'est djà ton nom?

*Les lèvres d'Anguiel s'étirèrent en un magnifique sourire mutin.*

- Anguiel, c'est Anguiel mon nom.

*Comme Bijou souriait de l'à propos du surnom qu'elle avait donné à ANguiel, celle ci vint s'asseoir à ses pieds. Ces derniers temps elle préférait le sol aux canapés, rapport à son salopard de cousin.*

- Mais si tu veux tu peux m'en donner un autre.
- Comment tu l'as eu ce surnom? Enfin, qui te l'as donné quoi, parce que bon, pourquoi, on s'en doute un peu!
- C'est Igor, le marchand, qui m'a surnommée comme ça. ça lui faisait plaisir de se dire qu'il avait un ange gardien en plus d'un petit jouet sexuel. Mais bon, d'un côté ce n'est pas si mal comme nom!
- Il te va à ravir, étrange que ce vieux cochon ait réussi à trouver quelque chose d'aussi approprié à ton petit minois. Ton nom de baptême c'était quoi, au fait?
- Oksana. Mais c'est du passé tout ça et c'est mieux ainsi. Appelle moi Anguiel ou autrement, mais pas Oksana.
- Ok, ok, je ne suis pas là pour t'obliger à penser à ton passé, je sais à quel point ça peut être encombrant. Anguiel c'est parfait.

*Anguiel se détendit aussitôt que Bijou eut dit ces mots. Elle ne souffrait plus depuis longtemps de ce viol mais entendre ce prénom qu'elle avait porté autrefois lui faisait encore monter les larmes aux yeux parfois quand elle se souvenait de la façon dont on l'avait chassée. Ses propres parents l'avaient reniée. Cette douleur là ne s'effaçait pas. Elle avait subi ce viol qui avait déchiré son corps et son âme et en plus de cela c'était elle qui avait payé. De cela jamais elle ne guérirait.*

Darena était entrée sans bruit, ne se sentant pas encore chez elle dans ce lieu qui, bien que rempli de prostituées et d'alcool, lui apparaissait comme un petit coin de paradis. Elle s'assit un peu à l'écart, sur un sofa délicieusement moelleux, pour ne pas déranger les autres filles. On lui avait toujours appris à se taire: une fille qui parle, c'est encombrant. Alors elle ne disait rien, elle pensait, oui, mais pas un mot ne sortait de sa bouche en dehors de ce qui était nécessaire. Elle savait se faire invisible.

- Je suis contente que Denis t'aie embauchée! *dit Bijou à Darena* Ici tu ne dois pas avoir peur de nous déranger. Tu es chez toi, comme nous toutes. C'est important que tu te sentes bien parce qu'un clan de filles soudées, c'est toujours appréciable pour tout le monde! Moi je suis Bijou. La petite blondinette c'est Anguiel!

*Anguiel acquiessa doucement, elle ne voulait pas couper Bijou, sentant qu'elle essayait d'intégrer Darena.*

- Et toi ma belle? Si tu nous parlais un peu de toi?

Darena sourit: sympathique, cette Bijou. L'autre aussi d'ailleurs, avec ses bonnes joues et son sourire enfantin. Anguiel, ça lui allait bien, c'était le moins que l'on puisse dire. Elle décida qu'elle pouvait leur faire confiance. Après tout, c'était le premier endroit où on le traitait pas mal, de prime abord. Ca avait encore le temps de changer, mais au moins l'approche était agréable.

-Eh bien, enchantée, moi c'est Darena. Je crois qu'il n'y a pas grand chose à dire sur moi. Je suis orpheline de naissance et j'ai travaillé presque toute ma vie dans une pension pour jeunes filles de la bonne société. Je servais de bonne à tout faire: cuisine, repassage, nettoyage, entretien du feu, commissions, courrier... Et j'en passe et des meilleures. Jusqu'au jour où j'ai été vendue au père de l'une des élèves de la pension. Encore, à la pension, ça allait. Bon, j'ai bien essayé de m'échapper quelques fois mais ce n'était pas affreux. Alors que chez ce type... En plus de bonne à tout faire, je devais occuper ses nuits, toute ses nuits! Je n'en pouvais littéralement plus. Ca ne me gêne pas de faire soit l'un soit l'autre, mais j'ai besoin de dormir à un moment donné. Et ce type était répugnant. Il invitait des amis le soir pour les faire profiter de "son nouveau jouet". Bref, je suis partie. Et en errant un peu au hasard, me voici là!

Darena sourit: finalement, sa vie n'était pas bien intéressante, ni même particulièrement tragique, c'était une vie d'orpheline, ni plus ni moins.

-Je suis contente d'être ici, vraiment. C'est un peu comme un coin de paradis, paradoxalement.

Et l'ambiance décontractée et amicale qui régnait dans la pièce contribuait à ce paradis, indubitablement.

*Bijou éclata d'un rire crisallain.*

- C'est bien mon avis et c'est celui de toutes les filles qui bossent ici! Nous ne sommes pas exploitées et nous sommes bien traitées. De plus les clients qui ne plaisent pas à Denis n'ont pas intérêt à faire de vieux os dans le bar alors les risques sont minimes de tomber sur un sadique. Si tu nous parlais de ce mec? J'ai quelques petites histoires d'hommes répugnants en stock que je vous raconterai après!

*Bijou préférait en rire et en faire des histoires à raconter aux autres, c'était bien plus efficace que de se morfondre dessus. Et Darena n'avait pas l'air si choquée par ce connard, en parler ne lui ferait donc pas de mal, ce serait amusant.*

Darena eut un sourire: elle se sentait chez elle, ça y était. Elle prit une mine de conspiratice et dit:

-Vous voulez des histoires d'horreur?

Puis elle éclata de rire:

-Non, ce n'était pas si terrible que cela. Invivable, mais pas atroce. J'étais dans cette pension pour jeunes filles depuis ma naissance, c'est la directrice qui m'a donné mon nom Darena, cadeau, sûrement au second degré... Je servais de bonne à tout faire comme je le disais mais bon, ça ne me dérangeait pas, j'étais habituée. Un jour, le père d'une élève, Lazarre il s'appelait, est venu chercher sa fille pour affaires de famille. Et il est revenu, puis revenu encore et à chaque fois il me faisait la cour avec des fleurs, des chocolats, des vêtements, de l'argent même. C'était pathétique, utile parce que j'avais mieux à manger, mais pathétique. Et puis on m'a vendue et il m'a embarquée. La journée, je servais de bonne, de serveuse, de femme de chambre, de prostituée aussi dans les coins sombres du château. Et le soir, je servais clairement de joujou pour lui et parfois lui et ses amis. Les nuits à quatre ou cinq aprs une journée de 15heures non stop, c'est fatiguant! Alors j'ai pris la poudre d'escampette. Il m'a envoyée faire des courses au marché et je suis partie, comme ça, avec juste un panier et quelques sous. Et me voci là! Bon, c'est résumé, si vous voulez les détails, je peux aussi vos raconter des anecdotes! J'en ai des tonnes, sur mes deux vies d'ailleurs! La pension et le pervers! Comme cette fois où il est resté bloqué dans les barreau du lit... Oh ça c'était vraiment très drôle!

- Raconte nous, ce sont des choses très intéressantes à entendre, on a toutes vécues des trucs un peu comme ça mais jamais pareil et c'est toujours sympa de les partager! Moi en tous cas j'adore ça! Alors ne te limite pas, raconte nous!

*Bijou en savait long sur la prostitution, elle avait vécu la pire façon de se prostituer et elle aimait entendre des histoires cocasses à ce sujet. Sa vie ici lui avait rendu ce qu'elle n'aurait jamais du perdre, sa bonne humeur et sa confiance en elle. Elle serait éternellement reconnaissante à Denis pour ça, il pouvait avoir une confiance absolue en elle, elle lui était dévouée, il l'avait sortie d'une telle merde... Entendre Darena parler du parcours qui l'avait amenée ici la ramenait au sien mais elle savait à quel point c'était important de partager tout ça, pour se connaitre mieux et acquérir de la complicité.*

*La vie d'Anguiel ressemblait à la deuxième partie de celle de Darena, elle aimait entendre des histoires et celle là avait l'air particulièrement intéressante.*

-On va commencer par l'épisode pension, parce qu'après tout, il y a de quoi dire. Je faisais les chambres de ces demoiselles. Il y en avait de tous âges, de 4 à 18 ans. Bon, les chambres des gamines de 4 ans, pas grand chose à en dire. Mais celles des plus grandes... Un soir, la directrice m'envoie chercher Madeleine une grande blonde hautaine pour discuter de la préparation de son anniversaire. Le couvre feu était passé. Je frappe à la porte. Pas de réponse. Encore, rien. Alors j'entre avec le pass et là je vois quoi? La fifille à papa en train de faire des galipettes avec le garçon de cuisines! Ils ne m'avaient même pas entendue tellement ils étaient dans leur affaire! J'ai souri et j'ai dit, bien fort: mademoiselle Madeleine? La directrice veut vous voir! La tête qu'ils ont faite! C'était à se tordre en deux. Mais je reste sérieuse et la fille se sauve, toute rouge! Autant dire qu'après, elle était toute timide quand elle me voyait! Plus de grands airs et de phrases méprisantes! Et cette fois aussi où on a fêté l'anniversaire d'une petite. Son père avait fait venir des poneys pour amuser les filles. Et la gamine monte sur l'un d'eux: Papa, il avance pas! Fais le avancer! Et là la gamine saisit une fourchette sur la table et l'enfonce dans les flancs du poney. Bien entendu, il est parti au triple galop, mais comme la gamine était attachée dessus... Je vous laisse imaginer! Le pauvre, il a fini par se rouler par terre avec la petite sur le dos pour s'en débarrasser! Il saignait c'était un vrai carnage. Et le père: Mais c'est un scandale, ce poney est un monstre, qu'on le tue, qu'on le tue! Ma petite chérie, mon amour, ma rose en sucre... Et j'en passe et des meilleures! Ahla la, les chéries à leur papa... Cet épisode a été assez traumatisant, je dois dire. Pauvre poney... A l'école ils ont fini par interdire les animaux de compagnie tellement c'était horrible. On en retrouvait un par jour mort tué par ces gamines affreuses. Des chiens à la pelle, des chats, des lapins, des oiseaux en tous genres, des furets, des hermines, des fennecs pour les plus riches d'entre elles. C'est bien simple, la durée de vie des animaux à la pension était d'une semaine, voire deux quand ils étaient résistants.
Elles étaient ignobles entre elles aussi. Elles formaient des groupes et prenaient en grippe une fillette, moins riche, moins hargneuse, et lui faisaient toutes les misères possibles. Les grenouilles dans le lit, ça c'était au début, puis les couleuvres, les affaires volées, les remarques acèrbes, les menaces, les agressions physiques (elles s'improvisaient coiffeur!), les trous dans les vêtements, les lettres anonymes... Elles lui faisaient vivre un véritable enfer, avant de passer à une autre.
Et il fallait toujours courir, être à leurs petits soins. M'enfin ça allait, de mon côté. J'étais invisible et ça m'allait parfaitement! Là bas, mieux vallait n'être pas vue que mal vue...

- Si les animaux s'en sortaient si mal je ne sais pas comment tu as pu passer au travers, tu as du être véritablement très fine! C'est vrai aussi que comme tu voyais tout elles avaient peut-être peur que tu ne divulgues leurs secrets... La peur qu'on insipire est une amie efficace dans ce genre de situations...

- J'étais dans la même situation que toi autrefois, mais à l'envers. J'étais une de ses filles de pensions. Bon sûrement pas aussi riche mais c'était le même principe. C'était invivable pour moi aussi et pourtant j'étais "du bon côté"...

*Ces souvenirs semblaient venir d'une autre vie tant ils étaient loin et tant elle avait changé. La petite fille d'alors lui semblait ne rien avoir à voir avec elle.*

Darena se mit à rire:

-Nous le personnel, nous étions nourris par la direction, c'est pour cela que nous nous en sommes sortis! Nourris par ces chipies, je ne donne pas cher non plus de notre peau! Elles n'avaient peur de rien ni de personne, elles étaient bien trop choyées pour cela! Tu dis que tu as été une "fille de pension" Anguiel? Vas-y, raconte!

Avoir un avis interne sur la question aurait un grand intérêt pour elle qui avait vécu tout cela de l'autre côté.

*La conversation tournait bien et ijou sentait déjà l'osmose qui se formait entre elles. Bientôt elles formeraient une belle équipe soudée et c'était exactement ce qu'il leur fallait. C'était également ce qu'il fallait au commerce.*

- Pour tout dire je ne suis restée en tout et pour tout que deux ans dans ce pensionnat. Ma famille n'était absolument pas noble mais ils avaient beaucoup d'argent et j'ai donc fait ma scolarité avec une préceptrice, soeur Marie,une française, qui était d'une gentillesse hors du commun. Mais elle était très âgée et elle est morte l'année de mes 13 ans. Après ça mes parents ont entendu parlé d'un établissement qui avait ouvert l'an d'avant à Moscou pour les jeunes filles dont les parents étaient des grands bourgeois comme les miens et j'y ai été envoyée. Ma famille étant l'une des plus riches de celles qui y avaient envoyé leurs filles, je n'ai jamais personnellement souffert de leur méchanceté mais je me rappelle d'une fille qui en a fait les frais plus d'une fois sans que personne ne fasse rien pour l'aider. Je ne sais plus comment elle s'appelait parce que je suis arrivée un an après elles toutes et qu'elles lui avaient déjà donné un surnom: "la-grosse-qui-pue". En règle générale je ne me mêlais pas de leurs histoires, ça n'apportait que des ennuis à celles qui le faisaient, des vengeances sournoises comme du verre brisé dans les chaussures. Je restais avec Laure et Célia, deux soeurs venues de France qui étaient très différentes des autres. Mais par moments il arrivait que nous ne puissions pas faire autrement que de voir ce qu'elles faisaient et c'était plutôt moche. Une fois elles avaient attrapé la "grosse-qui-pue" et l'avaient attachée au lit pour la torturer. Elles lui posaient des questions obsènes visant à lui faire honte parce qu'elle était très pieuse. Elles lui racontaient également des choses assez dégoûtantes sur le sexe que même moi je n'ai jamais vues aujourd'hui tellement c'est sadique. Elles l'humiliaient comme cela sans cesse. Les marques physiques, il n'y en avait jamais, c'était bien trop risqué, nos familles ne pouvaient étouffer un scandale, elles n'étaient pas nobles, mais ce qu'elles faisaient était pire. J'ai honte de l'avouer mais jamais je n'ai protesté. Nous étions terrorisées à l'idée que ça pouvait nous arriver si nous ne respections pas cette loi du silence. Elles nous laissaient en paix parce que nous étions "au-dessus" d'elles et qu'elles avaient suffisemment de boucs émissaires mais nous savions bien que nous n'avions aucun intérêt à jouer avec le feu.

-Et malheureusement, les pensionnats ne sont bien souvent qu'une cour de récréation, qu'un entrainement pour après, pour la "vraie" vie. C'est atroce et disons que moi aussi je préférais être dans ma peau que dans celle des boucs émissaires, si riches soit elles... Mais si tu n'as jamais vécu d'épisode traumatisant au pensionnat, c'est déjà une bonne chose, parce que ça marque durablement...

- C'est vrai. Mais j'ai eu ma part aussi malheureusement. Sinon je pense que je ne serais pas ici, je serais surement mariée à un bourgeois de la clique de mes parents, malheureuse et aigrie comme la plupart de mes amies... Des fois je me demande pourquoi il faut que cette société de "riches" soit si guindée. Comme si on avait besoin de se rapprocher de la noblesse!

Darena eut un léger rire:

-C'est vrai, la question se pose, pourquoi? Toutes les filles du pensionnat qui n'étaient pas nobles voulaient faire un beau mariage, entendez: se marier avec un noble. Pourtant elles étaient riches! Mais allez savoir ce qu'il se passe dans leurs caboches!

Elle observa Anguiel:

-Qu'est ce qui s'est passé pour que tu n'épouses pas ce bourgeois? Habituellement, les filles comme toi ne deviennent pas prostituées... Ce n'est pas un reproche bien entendu, mais je constate que c'est rare...

- C'est une histoire compliquée qui montre bien la merveilleuse mentalité de ce milieu riche qui voudrait bien se confondre avec la noblesse mais qui n'en a pas la droiture et la noblesse justement... J'ai été violée par un de mes cousins, un sale type, ignoble, qui fêtait ses noces avec une jeune noble, Agathe elle s'appelait... J'ai été chassée comme une pouilleuse pour cette raison alors que je n'avais absolument rien fait. J'étais forcément coupable, je l'avais bien entendu séduit et j'étais une petite pute qui ne méritait même pas qu'on écoute sa version des faits. Un homme ne peut pas être coupable dans ma famille. Si une femme est battue à mort c'est qu'elle l'avait cherché. Si une fille se fait violer, c'est qu'elle a aguiché l'homme. C'est d'une morale remarquable n'est-ce pas?